La découverte
Nous partîmes à Locarn un beau matin de janvier. Sur place,
nous fûmes accueillis par un employé de la Maison du Patrimoine, un
homme bien affable. Le premier jour fut consacré à la découverte
du milieu local : tout d’abord un bref aperçu de l’activité ardoisière,
de la tourbière en tant que milieu naturel et autrefois activité
économique, ainsi qu’un topo sur la flore et la faune présentes – la
loutre notamment. L’après-midi notre guide nous fit visiter le chantier
de l’année précédente, lequel avait consisté en la remise en état d’une
parcelle de tourbière envahie par le saule. Les déplacements sur les
touradons de molinie nous donnèrent l’occasion de tester notre
équilibre sur ce terrain quelque peu précaire. Ensuite, il fallut se
rendre sur le théâtre du chantier du lendemain, à travers une lande
semée d’ajoncs ; le travail devant s’effectuer dans le talweg situé en
contrebas, étouffé progressivement par la molinie. Enfin, la visite
d’un « chaos » assez similaire à celui de Huelgoat clôtura cette
journée de découverte.
Le lendemain, il était temps de mettre la main à la pâte et de salir un
peu nos bottes. Le chantier du matin se déroulait dans une petite
carrière de sable aujourd’hui inexploitée et qui était destinée à
servir de site de nidification pour l’hirondelle des rivages. Le brave
volatile ne daignait revenir qu’à la condition de trouver des trous de
60 à 80 cm de profondeur pour s’installer dans les parois.
D’autre
part, il fallait dégager des mares colonisées par le saule, ainsi que
leurs abords. Une partie de nos effectifs – pourvue de waders - se
consacra à patauger, tronçonneuse à la main, en vue d’éradiquer
des saules. D’autres s’affairaient à couper les ajoncs et les pins qui
proliféraient sur les berges. Enfin quelques uns occupèrent leur fin de
mâtinée à forer à la tarière des trous destinés aux hirondelles. Le
résultat étant tout à fait satisfaisant, nous nous installâmes à
proximité pour casser la croûte, l’âme sereine et le cœur content.
L’après-midi pris une autre tournure. Après nous être égarés un moment
dans la lande, nous arrivâmes à pied d’œuvre dans la tourbière au fond
de la vallée. Une partie du groupe entreprit de creuser une mare pour
les batraciens, tandis qu’un peu plus loin leurs camarades
s’employaient à arracher la molinie tant bien que mal, à l’aide de
houes et de bêches, afin de retarder le comblement naturel de la
tourbière ; celle-ci se raréfiant en Europe de l’Ouest. Les touradons
ainsi extraits étaient entassés à proximité. Autant le dire, ce travail
était relativement ingrat ; extraire les mottes pesantes et
dégoulinantes d’eau boueuse et les transporter en trébuchant tous les
mètres constitue une activité fort peu idyllique. Nous découvrîmes une
salamandre dissimulée dans les racines puis regagnâmes finalement nos
camions après avoir dégagé une surface d’une trentaine de mètres
carrés, les yeux hagards et le poil terne. Ainsi s’acheva cette
enrichissante expérience de travail en milieu naturel.
Blaise |
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Ode à la nature
J’ai coupé d’l’ajonc
Comme un saligaud
Mon copain l’ajonc
Mon alter-égo
On était de la même race
Pas vaillant, semi-ligneux
Desquels on se débarrasse
Quand on est bûcheron, créfieux !
J’ai creusé une mare
Dans une tourbièr’
On en avait marre
On était pas fier
Il y avait de l’eau à la pelle
Dans les bottes et sur les fronts
Mais pas, ironie cruel’
Au fond d’mon bidon
Locarn,
Tes tourbières et tes mines d’ardoise
Laisseront gravées au fond de moi
Un doux souvenir impérissable
Locarn
Locarn
Cyril
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