Le gemmage



pins gemmés. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet) Pot de résine. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)

Si parler de gemmage porte parfois aujourd'hui à sourir, n'oublions pas que des paysans de la forêt ont pratiqué des décénies durant cette activité manuelle dont le dérivé principal était l'essence de térébenthine.

--- Qu'est-ce que le gemmage ? ---

Rappelons que l'arbre produit de la résine pour se soigner en cicatrisant les plaies qu'on lui a faites.

Le gemmage est l'action qui consiste à récupérer la résine de l'arbre. La résine est utilisée depuis la protohistoire, nos ancètres l'utilisaient pour coller les pointes des flèches. Si l'on peut distinguer les deux types de gemmage suivants, un résumé de l'action consiste à dire que l'on blesse l'arbre pour l'obliger à réagir en produisant de la résine que l'on récolte.

  • • Le gemmage traditionnel (au hapchot ou au bridon).
  • • Le gemmage activé avec pulvérisation d'acide.

Le bois issu d'un arbre utilisé pour le gemmage était recherché par les fabricants de charpente car plus dur que d'habitude et plus résistant aux attaques d'insectes; on le repère facilement car il a tendance à rougir.

On notera que 75% de cette activité était réalisée en France dans les Landes.


Pot de résine en terre cuite. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet) Pot de résine métallique. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)


--- Le gemmage traditionnel---

Le gemmage traditionnel a été pratiqué très tôt en France et a perduré jusqu'environ 1970. Les romains écrivent à l'époque qu'ils vennaient dans la région chercher de la poix (produits résineux, colophane, goudron végétal) qui servait pour calfater les bateaux, étanchéifier les barriques, faire des torches, etc. Les recherches archéologiques sur la dune du Pila ont montré qu'on pratiquait le gemmage au "crot" au XVème siècle. La technique est assez rudimentaire :
  • • En février, on commence par l'écorçage.
  • • L'arbre étant écorçé, on pratique le cramponage en calant le crampon dans le pousse-crampon afin de mettre en place un crampon en zinc.
  • • Lorsque la préparation de tous les pins de la parcelle est terminée, on attaque la 2ème phase appelée la pique, phase durant laquelle on blesse les pins afin qu'ils réagissent. l'emplacement des piques de l'année est appelé la care. Les gemmeurs étaient obligés de repiquer les pins chaque semaine. On monte cette care centimètre par centimètre afin de ne pas blesser l'arbre sur une surface trop importante qui pourrait entrainer sa mort. NB: On se limitait à une seule care sur les arbres de place afin de ne pas les épuiser, sauf quand le propriétaire décidait de les abattre auquel cas on pratiquait le gemmage par épuisement en installant simultanément deux ou trois cares.
  • • En dessous de ce crampon, on met en place un pot dans lequel s'écoulera la résine; les pots sont récoltés une fois par mois durant la saison de gemmage c'est-à-dire jusqu'en octobre.
  • • Environ tous les mois, on récupère la résine écoulée; cette opération est nommée l'amasse et était le plus souvent réalisée par des femmes. On versait le contenu des pots dans des récipients appelés escouartes dont le volume allait de 10 à 22 litres. Un ustensile appelé palinette servait pour vider chaque pot dans l'escouarte, ces escouartes étaient transportées en étant posées sur la tête du résinier.
  • • On fait cuire la résine afin d'ôter ses impuretés puis on la refroidit en des sortes de pains qui seront vendus sur le marché.
  • • Le gemmage traditionnel a évolué et comporte 2 méthodes:
    • • Le gemmage au "crot" jusqu'au début du XIXème siècle; la résine récupérée était cuite et coulée dans les moules pour faire des pains de colophane.
    • • Le gemmage ascensionnel, à partir du moment où l'on s'est rendu compte que l'essence de térébenthine obtenue par distillation était plus intéressante. Le résidu de la distillation donne la colophane.
NB: Avant d'utiliser des pots, on a commencé par faire des trous à la base des arbres mais la résine était logiquement de moins bonne qualité car mélangée à de la terre, des feuilles etc.

Le résinier porte le hapchot. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet) Le résinier porte le hapchot. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)
Escouarte metallique de 22 litres. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)

Escouarte métallique de 22 litres classiquement portée sur la tête. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)

La Claudine (à gauche) et une brouette adaptée (à droite). Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)


--- Le gemmage activé---

Développée par les russes, cette technique a été apportée en France par les américains et y a logiquement été surnommée gemmage à l'américaine. Elle sera pratiquée en France depuis les années 1950 jusqu'en 1990. Elle consistait en une pulvérisation d'acide sulfurique qui venait activer la sécrétion de la gemme et augmenter les rendements. L'acide retardant la cicatrisation de la blessure, la pique n'intervient plus que tous les 15 jours.
  • • Le hapchot a été remplacé par la reinette et la pique ne creuse pas le bois, on s'arrête à l'aubier.
  • • Les points positifs résident dans un meilleur rendement et dans une fréquence moindre des interventions du résinier.
  • • Les points négatifs concernent les êtres humains et les animaux. Sans parler des seules conséquences sur l'ouvrier, l'acide utilisé se retrouve inévitablement dans les pots dans lesquels les animaux viennent boire, ce qui n'est pas sans entraîner des problèmes de santé.

Résinier avec la rainette et le pulvérisateur. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)



--- Les outils et accessoires utilisés ---

Ils ont bien entendu évolué au fil du temps.
  • • Le hapchot: Cette sorte de hache au tranchant courbe servait à réaliser la pique de la care.
  • • Les pots, réalisés en terre, en verre, en métal et même en plastique seront remplacés par des sachets en plastique.
  • • Les escouartes, récipients d'abord en bois et portés sur la tête du résinier ont ensuite été solidarisés à une brouette mais l'aboutissement extrème fut la Claudine pour laquelle les pots étaient retournés sur 2 couteaux qui les vidaient.
  • • Le pitey ou tchanque est une sorte d'échelle qui permettait d'accèder en hauteur.
  • • La reinette avec laquelle on pratiquait une rainure sur laquelle était pulvérisé l'acide vit comme évolution le fait que le bidon d'acide lui fut combiné.
  • • Les barriques destinées à l'amasse furent en bois et contenaient à l'origine 340 litres puis en métal pour un volume réduit à 240 litres.

Résinier sur la tchanque et portant le hapchot. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)

Divers outils. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)
Barrique en bois de 340 litres. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet) Barrique en métal de 240 litres. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)
Sachets de résine. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)


--- Le résinier ---

  • • Derrière ce curieux nom se cache la personne chargée de la collecte de la résine. Les premiers résiniers étaient des marins, ce qui explique les vêtements à rayures.
  • • Si le tee-shirt rayé utilisé par les résiniers n'est pas sans rappeler celui des marins, ce n'est pas par hasard, les premiers résiniers étaient des marins et ils ont logiquement conservé leurs habitudes vestimentaires.
  • • Les résiniers travaillaient 14 heures par jour, et ce cinq jours sur sept.
  • • Il fallait 1300 cares pour remplir un tonneau de 340 litres, ce qui était fait en une seule journée d'amasse.

Habits traditionnels du résinier. Agrandir dans une nouvelle fenêtre (ou onglet)



--- La résine---

  • • Si de très rares pays autres continuent à la produire, la résine (ou gemme) provient aujourd'hui de Chine.
  • • Si l'on connaît surtout l'essence de térébenthine comme produit dérivé de la résine, il existe en réalité plus de 250 produits qui en sont issus comme des savons, encaustiques, parfums etc.

Mes sincères remerciements vont à Georges Robin qui fait tout son possible pour faire perdurer la mémoire de cette activité dans le département des landes et a accepté d'apparaître sur les photographies ici présentes.